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[An Orc Story - Univers Seigneur des Anneaux] La Position

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Message par Karess Jeu 13 Juin - 9:18

HRP:


Jour 1 : Embusquer des embusqués


[An Orc Story - Univers Seigneur des Anneaux] La Position La_pos10


[An Orc Story - Univers Seigneur des Anneaux] La Position Lieute11
Vieux Yetch


Une sueur froide et moite a baigné le Vieux Yetch toute la nuit, même ses quelques heures de sommeil où il n'a dormi que d'un œil, adossé au flanc de colline terreux parsemé de racines qui sépare le camp de la section de tranchée ouest. Les morts l'ont visité dans sa somnolence. Ses camarades qui lui souriaient comme des loups squelettiques, une lueur rouge et pourtant froide dans leurs yeux à l'humour noir... « T'as vu ça, vieux Yetch ? On est morts, ça y est. Bah, pour tout te dire, c'est pas si mal comme état. Toi et les autres, vous feriez mieux de vous empresser de mourir vous aussi, pour vite nous rejoindre !»
Il n'est pas vraiment parvenu à s'extirper de ce cauchemar éveillé qu'est la situation actuelle de l'armée... Raqsh, Yourch, Ryark, Fischig, Farez, l'Uruk Borcip... Autour de lui, les deux tiers de ses gars, de la force armée en générale, sont couchés dans la terre boueuse et la végétation, s'efforçant tant bien que mal de prendre quelques heures de repos.
Yetch, il est Chef de Section. Il ne voulait pas dormir. L'idée le gênait de partir pioncer alors qu'une partie de ses gars étaient là, à veiller, prêts à lui servir de boucliers en cas d'attaque...
« Vous ne serez plus apte au seuil de l'inconscience, lui avait sifflé Quguug le Commandant du Bras Disciplinaire. Son élocution désastreuse du fait de ses lèvres amputées donnait l'impression d'une sévère injonction, mais Yetch savait que Quguug le lui avait dit gentiment.
« Allez prendre un peu de repos, Lieutenant. Tant que vous le pouvez. Le Seigneur des Ténèbres lui-même vous veut frais et dispo. »
Il avait souri à la formulation du Patron et obtempéré, se retirant en laissant le commandement de la section à ses pairs et supérieurs d'outre-Compagnie présents. Il était parti dormir.
Comme si la tension latente n'enjambait pas les tranchées pour venir leur coller à la peau et les empêcher de prendre ce fameux repos, elle...

Ses gars n'ont pas mieux réussi que lui à dormir pour la plupart. Ils étaient couchés et gardaient les paupières closes. En vain. Ils grondaient et se retournaient à répétition. Renfrognés. Les p'tits jeunes assumaient leur incapacité à sombrer dans le monde des songes et échangeaient alors quelques bavardages à voix basses, entre groupes de frères. Des bavardages sur tout et n'importe quoi. Pourvu que l'on puisse s'évader quelques battements de cœur. Ça chassait la tension, ça les reposait davantage que toutes leurs tentatives stériles de parvenir à s'endormir.
Aux alentours, les groupes d'Uruk-Haï au repos ne semblaient pas en proie à ce problème. Soit ils parlaient et se gaussaient à gorges déployées pour les uns, soit ils dormaient profondément pour les autres. Certains, des gars de la Troupe de Choc du Capitaine Uruk Eggha, buvaient. De l'alcool. Ce qui leur avait valu de sévères réprimandes verbales de Ruayyh lui-même. La consommation d'alcool dans une telle situation, le Général de la 18ème l'interprétait comme les signes de l'abandon et de la résignation. Il ne les permettait pas.
« Quand cette putain de forêt prendra vie pour venir nous enraciner vivants, là vous pourrez vous laisser aller au défaitisme. D'ici là, puisque vous n'avez pas une conduite digne de l'Engeance, allez dans la tranchée ouest. Faites-vous remettre une pelle chacun par le Lieutenant en charge, et creusez, approfondissez ces putains de tranchées jusqu'à l'aube... »

Et l'aube est venue dans le silence...
Le voile de ténèbres nuageux de leur Maître s'est dissipé. Tiré en traître dans la nuit. Se troquant contre un authentique temps dit "de merde", d'un gris de ruine uni, qui règne au-dessus du feuillage des arbres. Sa blancheur supérieure demeure pénible à regarder, mais au moins le soleil est dissimulé pour quelques heures encore.
« Merci...» Murmure le Vieux Yetch. Sans vraiment savoir à quelle entité supérieure va sa prière de remerciement.
Le vieux Lieutenant n'appelle pas ses gars à se lever. Laisse ceux qui sont parvenus à trouver le repos à en profiter encore un peu. Empoignant fermement sa lance posée contre lui, intimant d'un geste à ceux pleinement réveillés de ne pas faire de bruit pour ne pas brusquer leurs quelques camarades assoupis, il se lève et, suivi de l'attroupement mal éveillé des siens, gagne les abords de la tranchée ouest sur les hauteurs de Tiny. Couplés à d'autres sections de deux autres compagnies, de l'autre Légion pour l'une d'elle, sans compter les lambeaux snagas d'une Cohorte Disciplinaire qui triment à leurs côtés, le tiers restant de l'effectif veille depuis la seconde moitié de la nuit aux tranchées. Un réseau de longs fossés en cônes, flanqués de chapes de terre qu'ils fortifient comme ils peuvent, et garnissent de pieux de défenses. La moitié des gars s'appliquent à creuser et à creuser, à approfondir toujours plus la tranchée et à surélever toujours davantage le rempart de terre. Les autres guettent le flanc pentu de Tiny, la colline boisée. Montant la garde aux limites de leur monde encore tangible.
Deux chaînes de collines où les quatre-mille Orques de leur force armée en loques et sur le repli se sont retranchés
Au-delà de cette pente de colline jonchée de morts, des pentes de ces deux chaînes de collines en croissants jonchées de morts Hommes et Orques d'un premier assaut, c'est la Peur croissante. La Crainte, et la Mort qui rôde. Deux armées ennemies qui les encerclent. Mieux armées et plus nombreuses de plus d'un millier d'Hommes, d'après les estimations des premiers échanges et les observations des audacieux sortis en éclaireurs. L'une de ces armées est belliqueuse de la victoire qu'elle a remporté face à l'armée censée assurer le contrôle de la région boisée et de leurs arrières tandis qu'ils menaient le "siège d'Osgiliath", une furieuse bataille d'une seule nuit qui s'est soldée par une impasse. L'autre est revancharde à la suite de cette nuit de combats acharnés dans le Champ-de-Décombres...

***

Ils croisent les Uruk-Haï blâmés jusqu'à l'aube qui repartent faire du gras au cœur du camp. Le Vieux Yetch reconnaît Thurgix le Mignon, Ourykh, Garz, Kraka, et l'adjudant Lerüg, un Gobelin jaunâtre qui profite de sa bonne intégration parmi la Troupe de Choc pour se fondre parmi eux et esquiver les travaux de fortification qui reviennent aux fantassins de l'Oeil Rouge. Ils ont aussi avec eux un autre Gobelin, un p'tit gars à la peau brunâtre que le Vieux Yetch ne connaît pas, accoutré d'un uniforme rapiécé trop grand pour lui, exposant la brûlure de son épaule. Surtout, le gamin empoigne une putain d'arbalète lourde et porte deux carquois sanglés sur son torse et à son ceinturon. A part lui qui suit vivement le mouvement comme n'importe quel jeune gars désireux de faire ses preuves, ils traînent tous du pied, comateux, plus en proie à la fatigue que l'engeance Uruk ne cherche généralement à le laisser paraître. Dans leur sillage, Ourykh le grincheux bouscule Yourch, qui tombe à la renverse en hoquetant aigu, s'étalant dans la boue. Ourykh a un rire mauvais, et les autres, Lerüg surtout, ricanent bêtement. Mais Thurgix leur aboie de la fermer. Tend la patte à Yourch pour l'aider à relever. Pousse jusqu'à frotter le dos du fantassin vétéran en grogne à deux reprises.
« "Lieutenant", maintenant ? » Relève le Vieux Yetch en apercevant ses insignes.
– Eh ouaip ! Confirme Thurgix en claquant de la langue. Ils récompensent les plus méritants.
– Ou alors, la Légion est vraiment désespérée et n'a plus d'autre alternative, et cet encerclement c'est définitivement notre fin à tous. »
Thurgix se gausse aux éclats à la répartie en envoyant une tape qu'il veut amicale dans le dos du vieux Lieutenant Orque. Celui-ci étouffe un geignement de douleur. Le poing du Mignon qui a frappé sur sa colonne vertébrale était ganté de fer, détail que le gros Uruk a oublié.
« Demande à n'importe qui dans cette putain de troupe de te parler du Charnier. Ils te diront qu'i'y a qu'un seul gars qui a porté ses couilles dans l'Orgie Rouge, et ce gars là, c'est Bibi. » Il marque un rictus tout fier tout péteux, avant de se retirer en entraînant sa suite dans son sillage.

Tandis qu'ils s'éclipsent, les remontrances d'un Maître de Discipline fusent jusqu'aux longues oreilles pointues de Yetch :
« Adjudant Lerüg. Vous avez des compétences en temps qu'infirmier si je n'm'abuse ? Et qu'avez-vous attendu pour vous rendre aux infirmeries où pourrissent huit-cents blessés ? »


Yetch remonte la ligne de défense jusqu'à ses gars. Longeant la masse étalée de Tiny le Troll géant et cuirassé, qui pionce près des trois catapultes sur la crête qui porte maintenant son nom. Les équipes d’ingénieurs émergent et se dégourdissent. Hier, Yetch les a vu se blottir les uns contre les autres sur les flancs de leurs engins respectifs.
L’armée a nommé les collines par les noms des Trolls qui y montent la garde, ainsi que les différentes parties du campement par les noms de ceux qui y zonaient en attendant que l’on ait besoin d’eux. "Tiny" est la grande colline de l’ouest, flanquée de "La Ruse" la plus dégagée au nord, et de "Mâche-Roche" au sud.
Sur la chape de terre, Virag, son compagnon archer, adresse à son lieutenant un salut nonchalant et malicieux. Gobelin trapu au nez-crochu, à la peau d'un rose couleur de chair à la texture de cuir tanné. Des yeux de fouine,. Étalé sur le côté gauche contre la chape de terre là où il l'avait laissé hier soir, les mains sur son arc et sur une flèche prête à être encochée, les pieds prêts à bondir pour se remettre accroupi en cas d'attaque.
A son côté, l'Orque à la face de lézard et aux yeux globuleux noirs à la peau d'un gris laiteux striée de veines noires apparentes qu'est Dartak, est assis sur la chape de terre, accolé contre la rudimentaire palissade, cramponné à son épieu en murmurant nerveusement quelque chose d'inintelligible. Quand il le voit, face-de-lézard bondit sur ses pieds, saluant vivement, se tétanisant comme un clou.
« C'est bon, c'est bon. Repos. » L'apaise négligemment Yetch en lui rendant son salut...
A quelques pas, Murgleeth, l'un des caporales Uruk de sa section, supervise par ses cris rauques et concis les travaux ininterrompus dans la tranchée, posté au-dessus dans sa nonchalance stoïque caractéristique. Aucun fossé n'est jamais trop profond, ni aucun rempart trop élevé. Quelques nouveaux pieux de défenses et quelques palissades supplémentaires ne seraient pas de trop, s'ils ont le bois nécessaire pour en rajouter.
La Première Compagnie Régulière, comme toutes les Compagnies dites "Régulières", est une troupe constituée en majeure partie "d'Orques de l'Oeil Rouge"... De "Gobelins". Comme le Vieux Yetch. Des "Snagas des Légions", comme se moquent plus ou moins gentiment Thurgix et les autres Uruk-Haï.
Ça reste les Uruk-Haï qui tiennent les rênes en temps que Capitaines, et si ces Capitaines établissent souvent comme numéros deux, trois et/ ou quatre dans la chaîne de commandement des subordonnés d'engeance inférieure parmi les plus fiables, ainsi que plusieurs Sergents et Adjudants, ils répartissent toujours leurs frères Uruk-Haï dans la troupe en temps que Sergents et Caporales pour assurer la Discipline de fer et l'encadrement. Un vrai Bras Disciplinaire en plus des authentiques agents du Bras Disciplinaire qui les encadrent déjà
Selon la Légion, Certains Maîtres de Discipline peuvent se montrer plus loquaces que les légionnaires réguliers dans leurs rapports avec l'engeance...
En l'absence de leur Capitaine d'engeance similaire dans leur proximité, il n'est pas rare que les Uruk-Haï méprisent ouvertement l'autorité de leur "supérieur" Gobelin et n'en fassent qu'à leur tête, ne reconnaissant qu'une chaîne de commandement raciale...
Murgleeth est l'un de ces Caporales Uruk-Haï qui vit parmi les fantassins du rang sous les ordres du Vieux Yetch, qui partage leurs conditions de vie et supervise leurs travaux. Une pelle en main et sa hache rangée à sa ceinture, le guerrier élancé en armure lourde à la peau orange burinée prend souvent lui-même part aux travaux avec une assurance stoïque, comme les Orques qu'il est chargé d'encadrer. De sa propre initiative. Un exploit d'humilité digne d'éloge pour un Uruk...
Et une légitimité accrue pour vociférer sur les subordonnés qui font montre de flemme et de mauvaise volonté...
Dans le sillage de Yetch, Borcip étire les bras en baillant, s'apprêtant à trimer lui aussi. Un autre caporal Uruk à la carrure large et robuste et à la tête carrée, engoncé dans cette même armure caractéristique des Uruk-Haï des Légions, aux arêtes acérées évoquant la chitine arachnéenne.
« Allez, on s'secoue les gars ! » Lance Raqsh, la compagne et "bras-droit" du Vieux Yetch. Les gars qui marchent dans les pas de Yetch la suivent et partent prendre place sur la chape de terre, dans la tranchée pour reprendre part aux travaux pour certains... Kassad congédie une partie des gars qui montaient la garde la moitié de la nuit, les envoyant gratter un peu de repos tant qu'ils le peuvent.

Un autre Uruk qui peut prend part au creusement de tranchées sans rechigner, c'est son Capitaine, Kassad. "Sang-de-Glace"... "Joie-de-Vivre", aussi... Lui aussi est élancé et svelte. Faut croire que les sveltes ont une aversion génétique moindre pour les tâches ingrates.
Kassad est un Uruk svelte et au teint d'un bleu de glace, aux traits du visage fins et anguleux, avec un menton effilé comme un couteau, et une longue tignasse châtain terne et rêche qui lui sort de dessous son casque. Des yeux "humanoïdes" aux pupilles jaunes, empreints d'une certaine lassitude, à l'image du timbre nasal blasé et posé de sa voix jeune. Pour l'heure, il se tient au-dessus de la tranchée, énonçant posément aux travailleurs le rôle utilitaire que vont avoir chacune de leurs tâches. Kassad veut des troupiers qui comprennent la guerre, la situation, qui comprennent le sens de ce qu'ils font. Des soldats qui aient la Discipline gravée dans leur tête, par-dessus leur instinct animal.
« Je préfère des soldats lâches mais en vie, à des soldats téméraires et morts. », récite-t-il souvent à ses subordonnés comme credo en prélude d'une manœuvre en territoire ennemi...
Une hérésie dans les doctrines de cogneurs des Uruk-Haï. Et un sens tactique qui lui fait gravir les échelons de la Légion. Pour une optimisation défensive, Kassad est le meilleur Capitaine de la 18ème Légion. Certains le considèrent à tort comme un planqué et l'affublent de cette appellation dans son dos. Passer à l'offensive bête et méchante, Kassad sait aussi le faire. C'est juste qu'avec lui, l'offensive est rarement "bête", mais toujours "méchante"...
« Lieutenant, salue Kassad d'un hochement de tête.
– Mon Capitaine. Lui retourne le Vieux Yetch. Yetch ne pouvait rêver supérieur hiérarchique plus en adéquation avec son propre état d'esprit carré...
– Du nouveau ? S'enquit Yetch.
– Que dalle. La situation reste inchangée... On se retranche et eux, ils nous encerclent... »
Au-dessus d'eux dans le ciel, l'orage gronde. Une pluie aux gouttes épaisses pleut, puis cascade diluvienne sur eux. Trempe rapidement jusqu'aux os le Vieux Yetch et les autres Orques de l'Oeil Rouge dans leurs loques rapiécées de peaux, de fourrures et de mailles. Rend le terrain, les tranchées, les pentes de collines, le camp, tout boueux et fangeux. Aux début, les endormis dans le camp grognent et se tortillent. Ne veulent toujours pas se réveiller malgré la pluie battante qui s'abat sur eux.

***

« L'avantage, c'est qu'avec un temps pareil, on est certains que les salopards d'en face vont pas venir nous attaquer, émet Virag en se relâchant. Raqsh l'entend et s'aigrit :
– Ça ferait d'une bonne épitaphe sur ta tombe, ça ! Chaque fois qu'une larve comme toi sort ce genre de phrase, quelque part dans le monde, une troupe d'Orques se fait prendre par surprise. Garde à l'oeil cette végétation et reste en alerte, couillon. C'est un temps pour la fourberie de leurs foutus Rangers, ça...»
Comme pour confirmer ses dires, une flèche qui siffle tout près de la tête relevée de Virag, effleurant son casque. Nuée de tintements, d’impacts de flèches qui se heurtent aux palissades, se plantent dans la chape de terre. Raqsh et ses gars ont plongé à terre ou se sont recroquevillés en boule sur eux-mêmes. Se couvrant de leur bouclier pour ceux qui en ont.
«Putain de schräk ! » Jure l'archer.
« Rangers ! Rangers ! » S’écrient les gars en alerte. Dans la tranchée, les soldats se terrent dans la boue. Les snagas couinent de peur en les imitant, se plaquant contre la paroi terreuse du fossé vierge de pieux...
Derrière Raqsh, rampants sur leur couvert terreux, Dartak, Virag et d’autres ici et là tapis derrière les défenses se risquent à élever leurs têtes pour voir d’où ça venait.
C’était prédit par leurs chefs. La colline Tiny est la plus densément boisée avec son opposée "Poète". Elle a tout un flanc brouillon de bois et de végétation. Le protocole aurait voulu qu’ils le brûlent et le rasent au moins suffisamment pour clarifier cinquante mètres de terrain en diamètre de la tranchée.
Virag se secoue en prenant une inspiration. Bondit accroupi sur ses pieds griffus. Encoche une flèche et bande l’arc. Rapidement imité de Yourch, Ryark et Fichig, disséminés, mais qui se concertent du regard en une réplique à l’unisson. Tous à leur poste se lèvent comme un seul en visant de leurs arcs et répliquent. Décochent une volée dans le flanc broussailleux de Tiny.
Se courbent sous les flèches qui leur sont retournées. Sifflements au-dessus de leurs têtes. D’une précision meurtrière. Exactement là où ils se sont découverts pour tirer. A un ou deux battements de cœur prêts, ils se faisaient tous faucher en pleines têtes, poitrines et panses...
Rappliquant en progressant arqués et bossus, le Vieux Yetch et le Capitaine Kassad arrivent dans le dos de la bande de vétérans. Dans leur dos, tous les gars qu’ils venaient de relever reviennent du camp au trot. Se baissent pour gagner le couvert de la chape et des palissades, les archers apprêtant leurs arcs…
« Vous les voyez ? Demande Kassad tout en commandant par signes le déploiement des renforts en leur commandant d’attendre.
— Non ! Lui répond Virag. Ils sont planqués dans ce putain de bois !
— Si vous ne les voyez pas, pourquoi vous gâchez vos flèches, soldats ? Restez planqués et laissez faire les gars de Yash.»
"Les gars de Yash"... Crocs Blancs Skulaï... C’est précisément la raison pour laquelle le Général a retenu les torches et les haches pour défricher "Tiny". Pour prendre en embuscade les embusqués.
Après un long moment de silence pesant, les sons, les rugissements et les cris humains d’un bref combat au corps à corps qui éclate.
A ce moment là, Kassad les fait s’élancer en bondissant par-dessus les pieux des tranchées. Charger à l’assaut du bois.

Ils y viennent pour faire office de figurants. Le combat est déjà fini. Quelques Hommes, les honnis forestiers, morts, ou se tortillant à terre sur leurs blessures. Le vieux Lieutenant Uruk au katana passe de l’un à l’autre en entreprenant de les achever. Ses gars maîtrisent les autres par terre. Son lourd pied posé sur le dos de sa prise, le colosse vert qu’est Skulaï y est allé torse nu, sa couleur de peau le fondant dans l’environnement. Les gars de Yash, ce sont les Uruk-Haï de la meute de vétérans de Skulaï, qui ont troqué ici leurs armures de plaques contre des tuniques noires et marron, légères.
« Ça vous la coupe hein ? Leur grogne en jubilant l’Uruk élancé au teint noir-mauve et à l’accoutrement vert-gris, éternelle anomalie de couleur dans la troupe, que la Bande de Yetch connaît sous le nom de Nenag. Tenant son long gourdin clouté sous le cou de son captif en l’étranglant littéralement, l’Uruk les raille : Vous êtes pas les seuls à pouvoir prendre les autres en traître, bande de bâtards !
— Ne lui rompt pas le cou, soldat ! Lui interdit Kassad. Yashnarz peut avoir tendance à laisser une certaine "liberté" expiatrice à ses Uruk-Haï. Avec Kassad, c’est une autre histoire, les ordres sont les ordres. Ruayyh a dit de les faire prisonniers plutôt que de les tuer s’ils le peuvent : « Désarmez-les, relevez-les et menez-les au Bras Disciplinaire, qu’ils les parquent avec les autres. »
La bande de Yashnarz et de Skulaï gronde, à l’instar du nouveau second Lieutenant Skulaï. Mais s’exécute sans objecter. Tandis que les Hommes se font fouiller, ils baragouinent dans leur langue en implorant ce que Raqsh devine être la clémence pour leurs camarades qui se font froidement achever par le vieux Lieutenant Uruk.
« Ils sont déjà morts, tes potes, lui retourne Kassad en se retirant et en remmenant avec lui ses troupiers, laissant le vieux Yashnarz à sa besogne et Skulaï et ses gars se charger de ramener les captifs au camp, tenus docilement par des clefs de bras…

***

La pluie tombe torrentielle toute une partie de la matinée. De-ci de-là, des "défenses" du réseau de tranchées s'affaissent, s'éboulent. Les fantassins grognent grincheux en s'extirpant de la tranchée. Ici, une paire de jumeaux Gobelins s'extirpent en se reprochant mutuellement la pluie.
Quand la pluie se sera calmée, il leur faudra patauger dans la boue pour tout remettre en état.
« Oh, c'est vrai qu'on avait tellement mieux à faire de notre journée, dans ce trou, de toute façon… » Ironise Dartak de sa voix nasale, plus encore que celle de Kassad...
Une musique fanfaronne et stupide aux notes fausses et distordues emplit l'air. L'un des deux jumeaux Gobelins verts a exhibé un genre de trompette et s'est mis à jouer un air jovial et entraînant, contrastant avec le misérabilisme grisâtre de leur situation...
Dans le camp, les gars s'empressent de déployer des toiles tendues entre des piquets, pour s'abriter du déluge. Même les gros lourdauds d'Uruk-Haï se sont tirés de leur flemme et joints à l'effort collectif. La priorité, c'est de couvrir l'infirmerie, leurs nombreux blessés graves qui geignent à terre.
La dernière des priorités pour eux, c’est de couvrir les quelques quatre-vingts assis et mains liées dans le dos de prisonniers ennemis, mais Ruayyh charge tout de même des gars de le faire, et sans en profiter pour distribuer des coups de pieds bottés de fer...
Sous les trombes d'eau, les Uruk-Haï ont des allures de chiens battus, les Gobelins de misérables rats. Bon nombre de gars ont mis leurs casques, rabattus leurs visières fermées pour se protéger, ce qui produit des tintements métalliques sous l'averse. Au cœur du camp, la voix geignarde et bavarde de Thurgix fait repérer le Mignon au Vieux Yetch. Sa Troupe de Choc s’est recomposée avec celle du vieux Yashnarz, qui a particulièrement morflée. La compagnie de Yashnarz était l’une des deux à être tombées dans le piège de l’Orgie Rouge durant la nuit de combat dans Osgiliath. Littéralement tombées. Et cramées vivantes. Sa compagnie de choc qui faisait sa fierté est réduite à moins de trois-quarts d’effectifs. Une piteuse bande de guerre aux regards las et noirs. Tu m'étonnes qu'il n'ait aucune pitié pour l'Ennemi, se dit Yetch... Parmi eux, le Vieux Yetch repère évidemment Crocs Blancs, le colosse vert. Celui-ci endure la pluie sans se plaindre...

La cuvette dans laquelle est établi le camp est un amas de toiles aux tissus verts kakis étirées en carrés entre leurs piquets quand cesse la pluie. Hormis ceux comme eux qui ont veillé aux défenses, bon nombre de gars ont passé la pluie ameutés sous les toiles en les tendant à bouts de bras, faisant s'écouler les eaux sur les côtés sans la laisser s'amonceler et faire s'effondrer leur voile de protection contre le déluge. Ça avait quelque chose d'assez drôle et d'un peu émouvant à voir depuis la chape de terre où ils montaient la garde.
Le ciel arbore maintenant une blancheur laiteuse unie. Le soleil est camouflé, mais la luminosité croissante est quand même pénible pour leurs yeux de non-Uruk-Haï. Malgré les vociférations rauques des Sergents dans le camp, Yetch sent le silence, le vrai silence pesant et tendu de la forêt, qui règne sur sa colline, sur sa section de tranchée.
A midi, sa troupe se fait relever et Raqsh, Virag, Yourch, Farez, Dartak, Ryark, Fichig, et Borcip, et Murgleeth, et tous les autres, fantassins de l’Oeil Rouge et caporales Uruk-Haï, retournent se changer les idées et se dégourdir un peu les pattes dans le camp, sous les "tentes". Le Vieux Yetch demeure aux tranchées avec la relève. Le rationnement est distribué à ses principaux acolytes, et en ce jour ils sont gâtés ; ils salivent à la chair humaine rôtie, en provenance des ennemis qu’ils ont tué lors de l’assaut de la veille alors qu’ils s’établissaient tout juste, qu’ils n’avaient pas encore pu entamer les travaux de retranchement sur la position et que l’Ennemi était venu pour tout bonnement les exterminer jusqu’au dernier. Les troupiers ennemis n’avaient pas fini de dévaler la queue entre les jambes les pentes de la colline que les fantassins s’étaient élancés pour ramener à eux les dépouilles accessibles, celles qui ne les exposeraient pas à portée d’archers embusqués. Ils avaient traîné tous ces prisonniers aussi, tous ces Hommes qu’ils gardent maintenant assis au cœur du camp, ceinturés par un carré d’Uruk-Haï du Bras Disciplinaire qui veille à leur préservation au milieu d’une armée d’Orques mangeurs de chair humaine. Qui leur distribue du précieux rationnement. De l’eau, du pain et de la viande, mais pas de la chair humaine...
« C’est con les gars, vous savez pas c’que vous ratez ! » Leur lance Raqsh alors qu’elle vient se présenter devant le cordon de sécurité du Bras Disciplinaire, se pavanant entre deux casqués. Attirant l’attention de leurs captifs, suivie de Dartak et de Farez. La robuste guerrière trapue au cuir d’un bleu profondément sombre et à la tignasse d’un gris cendre rêche et tressée exhibe à leur vue la chair de leurs semblables. Elle lève un pouce ganté de fourrure approbateur : « Succulent, vos potes ! J’en reveux ! J’en mangerais à tous mes repas ! »
Bon nombre de gars jouent des mêmes railleries d’un peu partout au-travers du camp. Comme chaque Orque de l’armée aimerait pouvoir juste se lâcher et lyncher ces bâtards pour venger les frères d’armes tués la veille lors de l’attaque… Les tuer. Les manger. Et garnir les tranchées des leurs ossements. Un ultime crachat à la face de leurs ennemis avant de passer de vie à trépas…
Un bras ferme vient lui interdire de faire un pas de plus vers eux, coupant court à ses railleries et la détournant des Hommes. Surprise, elle réalise que c’est le Général lui-même.
« Aller, retournez manger tranquillement, Raqsh, lui intime-t-il tout en congédiant Dartak et Farez.
— M… Mon Général ?
— Vous représentez la 18ème Légion, soldat. Ne le refaite pas. Ne vous rabaissez pas à ce genre de comportement de sauvage. Surtout au Gondor. Les Hommes du Gondor sont nos ennemis séculaires et viendra le crépuscule de leur royaume, le moment où nous le brûlerons dans son entièreté. Mais nous les respectons pour leur vaillance. Eux, ils ne profanent pas nos morts. Pas comme au Rohan où ils empilent et brûlent les corps de nos morts comme des déchets... »
— Euh, très bien, mais si je peux m’permettre mon Général, pourquoi on les mange alors ?
— Pour l’économie de nos provisions et le moral, Raqsh… confie-t-il, se faisant sombre... Pour l’économie de nos provisions, et le moral… Ils sont plus goûteux que vos rations, non ?»


L’après-midi, alors que la bande de Yetch, ses principaux partisans, sont de retour à la surveillance des tranchées, le blanc laiteux du ciel laisse percevoir l’éclat mordant du soleil. C'est aveuglant et oppressant, en particulier pour eux. Les Uruk-Haï, eux, ils émettent des grognements, puis ils continuent de bavasser. De se la couler douce au cœur du camp...
Les puissants Uruk-Haï sont des machines à tuer, ne vivant que pour le combat et la guerre, et le Vieux Yetch et ses vétérans ont loué plus d'une fois la force de l'Engeance "supérieure" dans la fureur des combats. Souvent, quand la section est chargée, Yetch s'est cantonné à faire tenir la ligne à sa propre troupe, à leur faire faire rempart de leurs boucliers, le temps qu'une Troupe de Choc comme celle de Thurgix n'accourt en contre-attaque pour tailler en pièces leurs assaillants.
Mais mettez-les face à une pelle, et les grands et féroces Uruk-Haï sont confus et en paniques, cherchant toutes les excuses du monde pour se défiler. La norme raciale dans les Légions, c'est que les travaux incombent aux Compagnies Régulières (autrement dit, aux Orques de l'Oeil Rouge, aux Gobelins...), ainsi qu'aux Cohortes Disciplinaires (donc aux snagas enrôlés). Il est monnaie courante qu'à une proximité insultante de travaux de fortifications ou de sièges acharnés de la part des Gobelins, même dans des situations désespérées comme celle où est l’armée à présent, toute une cohorte d'Uruk-Haï soit au repos, avachie, à taper causette autour d’un feu, à festoyer et à se gausser, en attendant que sonne l'heure du combat pur. Pour eux, en particulier pour les Troupes de Choc, prendre part à des travaux s'apparente à une punition humiliante. A dire vrai, ça l'est parfois concrètement...

Le soleil continue de gagner en luminosité au-travers de la grisaille du ciel, à luire d’un éclat mordant comme en plein jour. Des cors commencent à s’élever des positions ennemies. De toutes les positions ennemies.
Dans le lointain devant eux, dans le lointain de leurs alentours, dans le lointain dans leur dos… Tout autour d’eux… Cela a le don de les mettre sur les nerfs et aux aguets…
« Ils vont attaquer, appréhendent nerveusement Dartak et Virag, celui-ci crispé sur son arc et sur sa flèche encochée… Ils vont nous attaquer maintenant… »
Ils ne les attaquent pas.



I : Nuit 2 : Le jeu de la Chenille


La journée passe, et la pluie battante tombe en même temps que la nuit qui aurait dû être leur moment de répit. Ils endurent en serrant les crocs les premières heures, observant avec lassitude les eaux mettre une nouvelle fois à mal ça et là leurs travaux de camps, faire déborder la section latrine... Quand ils sont relevés pour se reposer, ils continuent de serrer les crocs et d’endurer. La vaste blague qu’implique la notion de "repos" dans un camp inondé… Les gars se relaient pour soutenir les bâches tendues pour se protéger de la pluie. Le seul repère de temps qu’ils ont en cette nuit, c’est la température qui tombe. Dans leurs fourrures et leurs accoutrements gorgés d’eau, ils commencent à trembler de froid. Chaque troupe part se procurer des couvertures, mais celles-ci se gorgent aussi d’eau froide, comme tout le reste. Les prisonniers ennemis, c’est encore pire qu’eux. Avec leur pathétique sous-endurance de civilisés aux rudes conditions, ils grelottent en bavant, menacent de leur claquer entre les doigts…
« Allez venez les gars, appelle doucement Yetch ses gars qui soufflent entre leurs crocs, les faisant se tasser autour de lui. Tassez-vous les uns contre les autres. Allez, rapprochez-vous, soyez pas timide. Les intime-t-il. Câlin collectif, les gars... »
La chaleur corporelle pour se maintenir mutuellement en vie…
« Vous vous souvenez du jeu de la chenille ? Assis, les gars. Alignez-vous, alignez-vous… Les uns à la suite des autres…»
Le svelte Farez à la peau grise et à la crête chevelue noire tressée en une queue extravagante sur son crâne chauve, glousse en prenant place derrière Raqsh dans la "chenille" que forme la bande de Yetch, assis alignés les uns à la suite des autres dans la boue et les eaux froides. En quelques secondes, chacun se retrouve à faire un câlin chaleureux à son compagnon de devant, se tenant chaud...
Les groupes adjacents autour d’eux, puis dans tout le camp, se passent le mot et commencent à faire de même en rigolant. Rapidement, le camp se parsème de toutes parts de "chenilles" et de groupes agglutinés de Gobelins et d’Uruk-Haï qui se tiennent mutuellement chauds sous les toiles martelées par la pluie battante. Comme on n’a pas de meilleure idée pour les prisonniers, on leur délie les mains un par un et on leur fait faire la même chose. Le vieux Ruayyh vient encadrer les prisonniers comme de jeunes Orques au repos après les journées d’entraînements, quand les vétérans et les p’tits gradés viennent leur faire faire des jeux de groupes…
« Vous connaissez pas le jeu de la chenille ? C’est stupide, comique, et ça valorise l’effort collectif, donc tout à l’image de l’armée. Normalement, tout le monde est couché les uns à la suite des autres. Celui qui est en queue se fait porter à bout de bras jusqu’en tête, puis se glisse à la suite pour devenir la tête à son tour. Et toi en queue, tu te fais porter à ton tour, et ainsi de suite, ainsi de suite. On peut même se faire la course entre deux équipes ou plus, comme ça… Voilà… C’est un jeu, chez nous… Ou une forme de torture, les avis divergent… Maintenant serrez-vous. Frictionnez-vous. Et ne crevez pas. »
La première demi-heure qui suit, un peu partout dans le camp, les gars la passent amusés de leur propre situation, de ce qu’ils se retrouvent pas à faire dans les armées du Mordor...
Ensuite le froid et la pluie s’intensifient encore et tout le monde se presse en expirant des nuages blanchâtres, endurant dans le silence. Les yeux dans le vague ou rivés sur un point fixe… Même quand la pluie cesse enfin, ils restent tassés les uns à la suite des autres tout le restant de la nuit, dans un silence de crypte. Malgré les conditions cauchemardesques de la nuit, certains dans les groupements s’assoupissent. D’un sommeil somnolent et comateux. Un sommeil empli de mauvais rêves. Réminiscences de la fureur des combats qu’ils ont traversés. Des conditions de vie infernales dans lesquelles ils sont dans leur présent d’assiégés…





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[An Orc Story - Univers Seigneur des Anneaux] La Position Empty Re: [An Orc Story - Univers Seigneur des Anneaux] La Position

Message par Karess Sam 22 Juin - 21:25

Jour 2 : Hostilités


Et revient le jour et le soleil.
Yetch et les siens sont déjà retournés à leurs postes. Tremblent encore de froid... Leurs accoutrements rapiécés d’Orques tout trempés et glacials.
Ils ont eu droit au rationnement de bon matin en guise de consolation. Mangent dans un silence las…
Même affectés à la surveillance de Tiny plein Ouest, l’aube dans leur dos, la lumière du soleil levant est aveuglante. Malveillante à leur égard. La terre et l'herbe verdoyante irradiées progressivement au-devant de la tranchée. Les flaques terreuses laissées par la pluie, miroitantes et étincelantes. Même boueuses et maculées de sang, les armures des fantassins ennemis morts projettent des reflets d’argent éclatants, pénibles à avoir dans le champ de vision. Les gars qui le peuvent abaissent une nouvelle fois les visières sur leurs faciès. Les autres s’en remettent à l’endurcissement de leur formation militaire et à leurs nerfs de vétérans pour s’accoutumer au fil du temps.
Dans le lointain, des cors qui résonnent pour se rire d'eux…
En cette matinée, les jumeaux Gobelinoïdes snagas se morfondent et pestent sans retenue, mais ne sont pas exclus non plus de trimer dans la boue pour redresser ce qui s’est cassé la gueule à cause de la pluie. Leurs jérémiades sont une pure nuisance sonore dans le silence de la colline...
« C’est quoi vos noms, à tous les deux, snagas ? » Leur demande le Vieux Yetch.
Ils s’appellent Erkû et Muzgaach. Ce sont deux jumeaux verdâtres, rachitiques comme le sont les Gobelins "Gobelins" archétypaux des cavernes. Le cuir bien verdâtre, rugueux comme de l’écorce et poilu. Une chevelure noire charbon rabattue en des queues de cheval à l’arrière de leurs crânes. Des yeux jaunes et globuleux, rusés et de mauvaise volonté encadrant les troncs de larges nez aplatis.
« Erkû et Muzgaach… C’est pas dans le ciel que vous devez patauger, creuser et dresser des trucs, c’est dans le sol. Alors, qu’il fasse nuageux ou ensoleillé dans le ciel, au fond… Quelle importance, hein ? »
Sa réflexion fait intensément cligner les paupières aux deux snagas.
La réflexion qui monte au cerveau ?
Après un moment de silence méditatif, Ils reconnaissent qu’il y a un certain sens à ce que dit le Lieutenant.
« Il y a un certain sens à ce que vous dîtes, Lieutenant. » Dit Erkû. Ou Muzgaach, Yetch n’est pas sûr d’avoir identifié qui est qui dans leur duo. Satisfait d’avoir inculqué un peu de doctrine militaire aux deux snagas, le Vieux Yetch savoure de précieuses bouchées de son repas en parcourant le fossé en longueur.
Quelques instants plus tard, alors qu’il revient en sens inverse, les jumeaux Gobelinoïdes râlent et râlent à nouveau de leurs voix suraigües, faisant se courber craintivement ses oreilles à l’intérieur de son casque et lui arrachant un profond soupir de résignation…
« Les Gobelins… »
Dans le lointain, les cors du Gondor continuent de retentir à intervalles, ponctués de… Vociférations de Sergents, semble-t-il à Yetch…

***

Milieu de matinée, sous le joug du plein soleil.
Ces cors du Gondor et ces vociférations de Sergents déboulent en force au pied de la colline Tiny. Aux pieds de toutes les collines. Se matérialisant sous la forme de centaines, puis de milliers d’Hommes en armures qui émergent en rangs serrés.  Paradant dans une cadence métallique et lourde. Barrissements de cors et de trompettes. Des échos de beuglements que perçoit Yetch, à midi et à six heures, les pentes nord et sud de la cuvette intérieure entre les deux chaines de collines où se sont établis les Orques voient des rangs de cavaliers alignés face à eux par centaines.
Hormis le carré du Bras Disciplinaire qui surveille les prisonniers, ainsi que les toubibs aux infirmeries avec leurs blessés graves, les infirmiers qui se tiennent en retrait dans le camp pour se préserver en attendant d’avoir à accourir, toutes les compagnies rappliquent aux réseaux de tranchées. Des remparts d’épieux, de lances, de piques, armes d’hast en tout genre aux pointes plus ou moins grotesques et crochues et sinueuses, se dressent compacts le long des tranchées derrière la chape de terre. Même les Chamans brandissent des haches ou des épieux et sont venus se fondre dans les cohortes. Mentors spirituels, mais guerriers des Légions du Mordor comme les autres.
En bas des collines, les salopards ennemis ont le champ libre pour manœuvrer, et ils s’en donnent à cœur joie. Font sonner leurs cors encore, et encore, et encore.
« Approchez donc vos jolies petites faces toutes roses… » Grince Raqsh entre ses dents. Certains gars de Yetch éructent des grognements de défiance. Mais la plupart des troupiers sont figés dans leurs postures arquées, cramponnés sur les hampes de leurs armes et silencieux comme des tombes, leurs regards rivés sur les mouvements ennemis...
« Allez, tenez bon les gars, les encourage Kassad. N’oubliez pas qu’on n’est pas tout seul à la défendre, cette putain de tranchée. »
Aux côtés de leur compagnie régulière d’une centaine d’Orques de l’Oeil Rouge et d’Uruk-Haï agglutinés derrière la chape de terre et les palissades éparses, Yetch voit la Compagnie de Choc d’Eggha, les Uruk-Haïs en armures lourdes actuellement sous les ordres de Thurgix, venir se camper solidement en blocs carrés de soldats cuirassés d’acier, en retrait sur leur flanc droit.
Quelques instants plus tard, un pas lourd en armure dans son dos fait tourner la tête à Yetch de ce côté juste derrière lui. Le nouveau Lieutenant d’Eggha, se fraie un chemin parmi leur contingent, ramenant sa stature cuirassée tout à l’avant dans sa voix geignarde.
« Laissez passer ! Aller, on s’pousse on s’pousse on s’pousse ! Tout le monde laisse passer le Grand Thurgix !
— Qu’ess-tu viens branler ici, le Mignon ? Lui adressent les vétérans de la bande de Yetch avec plus ou moins de légèreté. Dans son sillage, se faufile l’enfant Orque à l’arbalète.
— Ici, p’tit Charir, les postent Thurgix.
— T’as pas une compagnie à mener ? L’interroge Yetch tout près de lui.
— J’ai de très bons sous-off qui savent ce qu’ils ont à faire. L’arbalète du gamin va vous aider. Elle traverse les armures de gondoriens comme du beurre… »    
Crocs Blancs et la troupe de Yashnarz aussi se tiennent prêts à les soutenir sur leurs arrières. Bien cuirassés cette fois-ci. Leurs arrières et leurs flancs sont garnis de quatre-cents bons renforts, pour la plupart des Uruk-Haï lourds comme les gars de Thurgix. Agrémentés des quelques Trolls cuirassés comme Tiny à leurs côtés…
Ruayyh et le Commandant Quguug sont également des leurs sur Tiny, campés sur leurs arrières, chacun des deux ceinturé d’une demi-douzaine de gars du Bras Disciplinaire. Ruayyh près des catapultes, avec son sempiternel air grave et sombre. Le "Colosse de cendres" juste dans leur dos au côté de Kassad, lui, évoque à Yetch une indifférence déconnectée du présent, comme si son esprit vagabondait à des considérations hautement supérieures.
Parmi eux, les snagas qui ont trimé à leurs côtés dans le creusement des tranchées sont fondus dans les rangs de sa troupe ; Yetch repère les jumeaux Erkû et Muzgaach tout en avant, qui bondissent d’excitation belliqueuse en produisant des injures qui s'apparentent à des couinements. De vraies têtes brûlées en herbe ; il compte juste sur ses Sergents et Caporales et sur le nombre de fois où lui et Kassad leur ont répété : « En cas d’attaque, tenez la ligne aux défenses !» pour leur faire tenir la ligne.
Face à eux au pied de la pente, les contingents d’Hommes font halte à l’unisson. Leur font face comme un seul.
«Comme ils pavanent si péteux, quand ils savent que le rapport de forces est en leur faveur, méprise Raqsh...
— Bah, c'est d'bonne guerre, concède Yetch en essayant de paraître décontracté. D'habitude c'est nous qui nous pavanons bien en force...
— Ouais, reconnaît Dartak... D'habitude aussi, on finit par repartir la queue entre les jambes.»
Sur leurs cors retentissants, ils entreprennent finalement de gravir la colline.
Piétinent en cadences le terrain boueux.
Le roulement lourd de leurs milliers de pas...
Tous les arcs sont depuis longtemps apprêtés de flèches encochées et les corps d’archers, courbés derrière les murs de boucliers de leurs camarades, se tortillent nerveusement dans l’attente de l’ordre de tout balancer, de concert avec les ingénieurs des catapultes et des scorpions…
« Attendez ! » Rappelle Ruayyh avec autorité. Il a été clair la veille. Zéro hostilité les premiers. Tant que les contingents d’Hommes ne franchissent pas le périmètre clairement établi par les totems aux crânes de boucs plantés dans la colline à hauteur "du zob de bois et des couilles broussailleuses", comme a désigné Quguug ce repère visuel de végétation sur le flanc droit de la colline, l’Ennemi est juste en train de bluffer. De montrer les muscles...
Ils font à nouveau halte, effectivement tout juste aux abords de la délimitation de mauvais augure.

Une bonne heure s’écoule ainsi sans qu’ils n’avancent plus.
Laissant planer la tension.
Même leurs Sergents et leurs chefs semblent s’en contenter, amoindrissant les vociférations qu’ils s’échangent à travers les contingents.
« Putain de schräk, expire Dartak… Bon… Quelqu’un a une histoire drôle à raconter ? » Lance-t-il à la troupe…
Aucune charge de cavalerie, aucune volée surprise qui surgirait de nulle part pour les faucher par dizaines. Ils sont simplement là. Bien à leur vue. Leur armée formant un hermétique encerclement sur le retranchement Mordorien, comme les échanges de rapports entre les collines le rapportent sur Tiny.

Puis soudain, comme des morts qui se seraient réanimés, les cors sonnent à nouveau, les meneurs ennemis beuglent à nouveau des ordres d’avancée, et Yetch et tous ses gars déglutissent et se courbent derrière leurs murs de boucliers tandis que les blocs de soldats en armures reprennent leur avancée. Avancent au-delà du périmètre et continuent de gravir la colline, avançant vers eux. La nervosité belliqueuse se hausse encore d’un cran dans les lignes Orques tandis qu’ils voient des meneurs et des troupiers ennemis sortir des rangs et fendre avec une hostilité échauffée leurs totems.
« L’Ennemi franchit l’périmètre, mon Général ! Beugle Quguug. Permission de tirer ?
— Refusée ! Tonne Ruayyh. Attendez encore. Gardez à l’œil leurs archers. Si eux pénètrent le périmètre et se préparent à tirer, là, vous tirez !
« A quoi ça sert qu’on ait des arcs… » Maugrée Yourch, les yeux plissés sous le soleil aveuglant, les yeux non-couverts par un quelconque casque. L’est pas le seul fantassin lambda à se demander pourquoi le Patron n’ordonne toujours pas de faire plein feu de toutes les armes. A ses côtés, Farez et le petit Ryark casqué posent leurs armes d’hast le temps d'empoigner des cailloux, qu’ils jettent à travers le terrain boueux en direction de l’Ennemi. Leurs projectiles tombent avant de frapper les boucliers Gondoriens, qui avancent dans une discipline martiale digne du Mordor. Pataugeant de ce pas uni dans la boue, en enjambant les cadavres d’avant-hier…
« Cinquante mètres, Ruayyh ! » Beugle Quguug.
Celui-ci produit un sombre soupir. Et aboie un ordre sec. Repris vivement le long de la défense, se répercutant sur les échelons de la chaîne de commandement.
Les troupiers élèvent tous les arcs, prêts à faire feu de concert.
L’Ennemi marque alors une nouvelle halte généralisée. Dans une proximité défiante...
Face à eux sur Tiny, à cette proximité, ils pourraient
s'étudier les visages et faciès en détails
s'échanger des signes distinctifs des mains
se taper causette
Du moins si les Hommes ne se retranchaient pas en tortues.
Mais ça n’empêche pas Farez et Ryark de leur expédier des mottes de terre en guise provocation, malgré les haltes du Vieux Yetch.
Comme Thurgix, aujourd’hui Lieutenant, fait exactement la même chose en agrémentant ses lances de provocations à l’orale, avec sa finesse caractéristique, l’appel à la discipline de Yetch est ce qui a le mieux réussi à percer l’étau implacable de l’Ennemi en ce jour…  
Sans faire se relâcher tout de suite ses archers et les faire se rétracter, Ruayyh retient encore ses tireurs de déverser toute leur grêle de projectiles…
« Si vous voulez un pourparler, affirmez vos attentions clairement ou nous ferons feu ! Somme Yetch à la demande à voix basse de Quguug.
Vu l’état de sa gueule, si le Commandant s’en chargeait lui-même, ce serait incompréhensible, et Yetch a une voix qui porte mieux que celle posée de Kassad...

Plusieurs battements de pure tension s’écoulent ainsi, à se lorgner sans en passer aux franches hostilités. En avant, Yetch et sa bande finissent par voir se distinguer des rangs ennemis un Homme encapé de noir derrière une troupe de gardes du corps. Cible tellement alléchante pour un gars comme Virag, qui s’avance au-devant de ses troupes mais toujours derrière ses protecteurs, pour faire face à leur ligne de défense aux nerfs chauffés à blanc, le pouce levé en demande de pourparler…
« Gotmery ! »  Annonce Quguug à l’attention de Ruayyh.
« Ruayyh ? Appelle l’Homme encapé…
— Il arrive ! Lui retourne Quguug.
Le temps que le vieux général borgne marche en se frayant un passage parmi les attroupements resserrés de ses fantassins boueux, et le voici face à ses homologues, lui-même protégé par les boucliers grossiers de ses soldats…
« Bien le bonjour, Général Ruayyh, salue l’Homme en langue commune...
— Bonjour à vous, Commandant Gotmery, lui retourne poliment Ruayyh…
Bon, très bien, se dit le Vieux Yetch… C’est "civile"… Ce premier échange verbal était d’une cordialité anachronique…
— N’avez-vous pas reçu le message que nous vous avons fait délivrer sur cette tranchée il y a deux nuits ? Demande le Commandant des Hommes en s’approchant encore, venant se camper à moins de vingt mètres du fossé, une attitude flegmatique qui fait se demander à plus d’un Orque si le Commandant ennemi est au courant que tout un bataillon d’archers le tient en joue…
— Nous l’avons reçu… Lui dit simplement Ruayyh.
— Votre réponse tarde à venir, objecte l’Homme comme un gratte-papier qui aurait relevé qu'il manque une signature en bas de document...
— Vous êtes réellement prêts à arrêter la guerre et à renoncer à notre anéantissement, pour quatre-vingts de vos Hommes ? Je suis sceptique. Et sans garanties. Vous n’aviez pas autant de retenue ni moins encore de considération pour le nombre de subordonnés à sacrifier quand vous nous avez assailli en force il y a deux jours…
— Comme nous l’avons mentionné dans notre courrier, la situation à Cair Andros a changé. Vos armées sont en déroute. La guerre ne perdure qu’ici entre nous. Nous vous connaissons, Général. Le Gondor sait ménager un interlocuteur raisonnable, même dans ce camp qui est le vôtre...
— Raisonnable, reprend Ruayyh en étouffant une toux d’amusement… Raisonnable et conciliant, je sais l’être. Les échanges de prisonniers que j’arrange volontiers sauvent la vie à des gars qui nous manqueraient respectivement. Ces échanges n’interrompent pas non plus la guerre, ni ne violent mes allégeances. Apprenez en outre que ça n’est pas parce que vous parvenez à encercler une Légion du Mordor -et je parle ici aussi bien au nom de ma 18ème Légion que de la 2ème de mon pair, qui se nomme Ragga dit "le Désosseur" pour votre information,- que celle-ci va s’avouer vaincue et implorer le premier accord venu pour sa vie... Nous sommes pratiquement sur le seuil de Minas Morgul, un bastion du Mordor grouillant de troupes de nos compatriotes. Les nouvelles que vous me rapportez, elles n’ont pas été étayées par mon propre camp. Nous sommes donc toujours en guerre, monseigneur. Et moi et mes gars, nous contribuerons jusqu’à la fin, même si cela se réduit à vous retenir ici avec nous, à des lieues du siège de Cair Andros, toute notre semaine restante de provisions, dans ces espèces de… Vacances ratées pour nos deux armées, qualifie Ruayyh dans une sombre ironie… Vos hommes en ma possession, je reviendrai à vous pour les marchander en temps et en heure. En attendant, soyez prévenu : si vos forces n’ont pas reculé de cinquante bons mètres dans la minute, je fais pleuvoir dessus flèches, javelots de scorpions et boules de feux. Et peut-être aussi la merde conjointe de mes gars et des vôtres que je détiens sous ma garde... »




Nuit 3 : Hanté par la guerre


Minuit.
Yetch veille aux tranchées. La moitié de sa bande a été relevée et s’est rendue aux infirmeries pour réconforter leurs blessés. Lui et ses gars tremblent, mais pas seulement du froid humide de leur bourbier. Quand ils tentent de se reposer, leurs corps se tendent parfois subrepticement, parcourus des spasmes nerveux des remontées de la bataille.
Dire que pendant un moment, il s’est détendu en se disant : « Bon, si le nobliau du Gondor vient demander un pourparler, c’est que toute cette manœuvre, c’est effectivement juste de l’esbroufe. Un coup de pression. »
Gotmery congédié par Ruayyh n’est pas revenu se fondre dans les rangs de son camp que ses contingents s’ébranlent de part en part, révélant  corps d’archers dissimulés dans l’infanterie, et balistes à répétition.
Des bruits de viande et des giclées de sang au sein des tassements de fantassins Orques impactés par la grêle de javelots. Une pluie de flèche frappe les boucliers et mord dans leurs chairs, leurs épaules, arrachant des geignements entre les crocs de ses soldats.
Les fantassins ennemis qui s’élancent à l’assaut en s’époumonant.
Ruayyh qui rugit furieusement de tout lâcher, de concert avec toute la chaîne de commandement. Des boules de feu ont volé par-dessus leurs têtes pour aller s’écraser et rouler dans la pente boueuse de Tiny parmi les contingents d’Hommes qui se désagrégeaient en une charge bestiale. Derrière eux, les Uruk-Haï du Bras Disciplinaire de Quguug aboyaient de se reprendre à leurs ingénieurs et à leurs archers sonnés par la volée, par les morts dans leurs rangs, les blessés qui rampaient dans la boue...
« Protégez-vous derrière nous les gars ! Leur beuglaient Yetch et Kassad. Abritez-vous derrière les boucliers ! »
Ce qu’ils ont fait. Satisfaits de voir les Gobelins de l’Oeil Rouge ne pas céder à la débandade, bon nombre d’Uruk-Haï du Bras ont dépouillé morts et blessés graves de leurs arcs et son venus parmi eux pour se joindre au combat. Dans leur dos, les infirmiers ont rappliqué au pas de course, intrépides pour sortir les blessés…

Une nouvelle remontée d’images. De sensations. De sons.
Les cors des Hommes qui sonnent innombrables et terribles
comme notre dernière heure
sur la pente de la colline, sur toutes les collines autour d’eux. Attaque générale sur toutes les positions.
Les flèches des Hommes qui n’arrêtent plus de pleuvoir pendant tout l’assaut, ponctuées au début d’autres volées de carreaux de balistes qui frappent dans la chape de terre. Tous les rangs d’archers ennemis restés en retrait du périmètre aux crânes de boucs pour ne pas les alarmer, qui ont rappliqué et viennent maintenant se tasser aux côtés des fourbes, lâchant volée sur volée sur les défenses.
La vague de fantassins en armures qui saute dans le fossé et qui s’efforce de gravir le flanc garni de pieux pour les assaillir.
Tenir la ligne coûte que coûte. Ils ne peuvent qu’espérer que les autres collines aussi, tiendront.
Ils s’empalent par dizaines sur les pieux. Sur leurs remparts meurtris d’épieux et de lances. Ils continuent de bourrer, et les Orques luttent face à une véritable poussée de cadavres en armures scintillantes. Parmi lesquels parfois se glissent des ennemis bien en vie, l’épée tirée, qui se jettent parmi eux en frappant, embrochant et fauchant les deux ou trois Gobelins qu’ils peuvent abattre à leur portée directe, avant de se faire tailler en charpie par la nuée d’Orques. Combien d’Hommes tuent les grands Quguug, Yetch, et Kassad à la pointe des piques en ce jour ?
Zéro
Nada
Que dalle
Ils sont juste là, comme tous les cons des sections qu’ils commandent, à brandir leurs armes, à pousser, et à beugler de les repousser.
Ruayyh, lui, embroche un Homme aux côtés de ses lanciers…
En première ligne, Erkû et Muzgaach les petits gobelins snagas sont peut-être les gars les plus meurtriers et les plus habiles à survivre tant aux volées qu’aux corps à corps en ce jour. Quoique la chance y est pour beaucoup...
Ruayyh se dégage de la ligne de défense et appelle les compagnies légères à reculer.
« Sur trente pas, en tenant la ligne ! »
Ce qu’ils font.
Cédant les tranchées à l’Ennemi qui en gravit leur côté en nombre.
Une erreur ? Indéniablement, du côté des Hommes. Quand ils se un nombre intéressant à s’être engouffrés, les deux-cents Uruk-Haï et les Trolls s’élancent en contre-attaque époumonée, percutant et ébranlant de toutes parts les troupiers ennemis. Repoussés en un rien de temps de la palissade par les guerriers lourds qui ceinturent l’assaut des Hommes, empoignant captifs ce qu’ils n’égorgent pas… Eux, la bande de Yetch, ils ont stoppé leur retraite pour mieux revenir charger, soutenant les Uruk-Haï de leurs épieux. Quand ils ont repris les défenses, ils se tiennent derrière eux et à leurs côtés, mains sur leurs omoplates et leurs lombaires cuirassés, car leurs épaules sont trop hautes.
Aucun Uruk ne réalise et ne s’offusque que parmi ces "frères" il y a des conscrits snagas qui suivent et imitent leurs semblables des Légions…  

Dans la nuit, Yetch est incapable de se rappeler sur quel frère d’armes Uruk il avait la main posée sur l’omoplate. Un gars robuste et élancé. Il se souvient d’une boutade échangée avec le Mignon dans la cohue de la contre-attaque, suivie d’un échange au ton moins sympathique avec son Suiveur, Ourykh… Peut-être que c’était bien lui, Ourykh…
Thurgix qui ramène à ses côtés l’enfant Orque à l’arbalète en le faisant se coucher en avant contre la ligne de défense, en lui indiquant du doigt les cibles intéressantes à abattre dans l’attaque ennemie qui perdure encore quelques instants dans un échange de projectiles en tous genre…
Non, Ourykh serrait les crocs derrière son bouclier au côté de Thurgix, c’est pas lui qu’il soutenait.
Lorsqu’il ferme les yeux, gagné par la somnolence, tout ce que se voit soutenir Yetch, engoncé d’un heaume, c’est le visage osseux d’un mort qui lui sourit…




Jour 3 : Fraternité



Il a sombré dans la somnolence et dans une restitution macabre de la veille. Tout son déroulement. Tout le monde qui accourt aux défenses, les volées, l’assaut, le repli, la contre-attaque, la tenue de la tranchée face à l’assaut qui reflue...
Mais cette fois, parmi eux, il voit des morts se joindre à eux. Spectres et morts osseux.
Squelettes en armes. Des sourires de canidés, amusés par la situation des vivants, qui les imitent en se joignant à eux et à leurs mouvements de foules, en proie à leur nostalgie de la vie…
Le guerrier qu’il soutenait à la fin avait un crâne de bouc railleur. L’un des Chamans, engoncé dans une armure d’Uruk…
Combien de fantômes planent encore parmi nous quand on bataille ? Combien continuent de suivre le mouvement, de marcher, de manœuvrer, de porter des coups parmi nous, en nous mimant, en faisant comme si ils étaient encore en vie ?
Le vieux Lieutenant récupère assez de rationalité pour se dire qu’il ferait mieux de se demander comment restaurer leurs défenses.
Assez de rationalité pour voir le Colosse Vert, Crocs Blancs Skulaï, assis en tailleur tout près de lui, qui le scrute en silence, en l’étudiant. Un sublime instant, Yetch sent la gêne le gagner. Il est le Lieutenant, en service à la tranchée, et il s’est endormi ? L’Uruk aurait dû le secouer pour le réveiller !
Mais ni le grand-vert ni personne autour d’eux ne semble s’apprêter à lui en tenir rigueur…
Il voit la même chose, hein…
Le grand vert semble entendre son questionnement à son sujet, car il opine de la tête…
« Désolé de m’être endormi, Boss… » Lui adresse Yetch. Le grand vert passe l’éponge avec indifférence en d’un hochement de tête.

Devant eux, entre eux et les tranchées tenues par les guerriers de toutes engeances mêlés, leurs morts de la veille dorment alignés. Gobelins et Uruk-Haï…



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[An Orc Story - Univers Seigneur des Anneaux] La Position Empty Re: [An Orc Story - Univers Seigneur des Anneaux] La Position

Message par Karess Mar 25 Juin - 22:02


Les Chamans collectent les têtes de leurs morts avant de brûler les corps. Avant que le soleil ne s’élève dans un ciel bleu cruel. Yetch passe cette journée à alterner aux tranchées où il sonde le moral assombri de ses gars qui vivent les visières abaissées pour se protéger de l’éclat du soleil, et à l’infirmerie dés lors qu’il est relevé, où il réconforte ses subordonnés et camarades blessés, qui geignent autant de leurs blessures que de l’éclat aveuglant du jour, en dépit des bâches qui les couvre. Il tient la main de Yourch, son vétéran qui souffre d’une entaille dans le ventre qui lui a fait frôler la sortie de ses tripes.
Borcip l’Uruk et Dartak l’ont rattrapé dans son basculement, le maintenant de manière à limiter les dégâts alors qu’ils le sortaient du foutoir…  
« Mon Lieutenant… » Balbutie Yourch…
—  Accroche-toi mon gars, lui intime Yetch… Tu es fort, tu vas t’en tirer…
— La lumière… Pitié, de l’ombre… »  Le vieil Orque prend l’une de ses loques qu’il donne au blessé pour qu’il puisse se couvrir les yeux.
« Eh, faites pas ça ! Ôtez-lui ça ! Lui aboie Kassadin, un jeune toubib au teint jaune d’œuf et à la carrure trapue de sa compagnie.
— Il a la lumière du jour dans les yeux, ça le tourmente, lui fait remarquer Yetch, plaidant pour son gars.
— Je le veux qu’il l’ait dans les yeux, comme tous les autres dans son état d’ailleurs. Dans son état, votre gars, s’il s’endort paisiblement, il revient pas. »

***

Il a aussi salué le Capitaine Eggha, qui reprenait du service en dépit d’une blessure à la gorge pas dont le traitement n’en est qu’à ses débuts, et a vu son frère d’outre-Compagnie, Yazho. L’état de son visage.
Yazho est un vieux loup de la Légion. Un vieux loup que Yetch a vu grandir depuis son plus jeune âge, comme bon nombre de vétérans âgés. Il est venu auprès de lui un long moment, fraternel avec lui comme il l’avait été avec son propre vétéran blessé…

« Ryark ? Ca va mon p’tit gars ? » Le jeune Orque hoche la tête sous son casque, opinant, mais Yetch perçoit comme il tremble de froid et se renferme pour garder pour lui son anxiété. Le vieux Lieutenant s’efforce d’encourager son jeune partisan alors qu’il va de gars en gars, de groupe en groupe le long des tranchées : « T’as assuré hier mon grand. T’as tenu la ligne comme un vrai Loup de la 18ème…
Le petit Ryark oriente sa tête casquée, son expression, la lueur dans ses petits yeux indéchiffrables sous ces casseroles rafistolées en un caisson pour la tête du jeune soldat :
— C’est douloureux d’assurer, mon Lieutenant, lui dit Ryark, une pointe d’ironie retrouvée dans sa jeune voix qui filtre métallique au-travers de son casque. Le rachitique soldat se dandinant pour mettre en évidence les bandages sur son bras, sur son mollet, la perforation dans la cuirasse de son torse qui a amorti la morsure d’une flèche dans ses côtes…
— Les cicatrices, ça excite les filles au pays, lui glisse Yetch en lui mettant une tape dans le dos…
Il vient faire de même avec Erkû, Muzgaach et les autres snagas de la Cohorte Disciplinaire qui sont assis en bande au repos. Les félicitant pour leur ténacité. Yetch les incite à se lever et à venir contempler les corps empalés de leurs ennemis sur les pieux. Sur leurs pieux. Il parle avec eux avec une familiarité croissante, s’enquérant de leurs blessures mineures qu’ils endurent, comme il le fait pour les gars de sa section. Fichig a une joue balafrée de la lèvre au bord du cou, et a perdu un auriculaire, dont il endure la perte sans se plaindre, hormis ses yeux las et embués qui clignent à outrance. Dartak a la cuisse compressée et bandée par-dessus son froc d’uniforme noir. A son côté, Virag va parfaitement bien et manifeste un enthousiasme à cet état de fait en demandant à son chef s’il a une mission pour lui.
« Tu peux toujours prendre une pelle et creuser des trous de latrines... » Lui suggère innocemment Yetch.
Il mange avec eux, rigole aux blagues nulles de Farez et aux ragots de l’Uruk Borcip enrobés d’exagération sur ses mérites personnels... Tout pour lutter contre sa propre humeur intérieure, qui est morose et lasse, et pour oublier l’éclat du jour…

Il vient côtoyer Raqsh alors qu’elle lorgne vers les prisonniers…
« Pourquoi Ruayyh et les gars du Bras s’obstinent à préserver ces fumiers… » Emet-elle.
Sur la pente de Tiny, les Hommes sont toujours là eux-aussi. Même après l’échec de leur attaque généralisée, ils sont restés à mi-hauteur de la pente, tout juste hors de portée des arcs, se relayant pour faire acte de présence et sonner dans leurs putains de cors.
Parfois, ils remontent et reprennent les hostilités à l’arc, échangeant des salves avec les défenseurs des tranchées.
A part gâcher des munitions, ils ne font pas grand-chose.
A deux reprises déjà, Ruayyh et Ragga ont font tirer les catapultes pour expédier un petit déluge de feu sur leurs positions. Ils courent et dansent pour éviter les projectiles, puis ils reviennent, imperturbables.
Leur fameux Commandant Gotmery a encore le culot de revenir de temps à autres à portée d’arcs pour les prévenir qu’il leur expédie sur une flèche un message écrit à l’attention de leurs généraux… Ruayyh revient alors échanger avec lui de la même manière. Raqsh continue de maugréer :
« On devrait leur catapulter les têtes de leurs potes, continue de maugréer Raqsh. Ou les clouer vivants sur les palissades pour montrer ce qu’il en coûte de nous prendre en traître comme ils l’ont fait…  
— On devrait, oui… Mais entre nous, mon amie, j’crois que si on fait ça, c’est notre seule chance de survie qu’on décapite ou qu’on crucifie. Pas une seule seconde je ne crois à la cavalerie de Morgul qui rapplique pour sauver les culs de quelques Orques boueux et en loques. Et Ruayyh non plus n'y croit pas. C'est pour ça qu'il prend à ce point soin d'eux… »

***

En milieu d’après-midi, le bouche à oreilles rapporte à Tiny que deux pauvres âmes ont été libres de traverser les lignes ennemies pour accéder au retranchement, avec toute la bénédiction du commandement ennemi, qui se réjouit de laisser filtrer de telles nouvelles du monde extérieur pour les assiégés…
Le premier est l’un des Commandants du siège de Cair Andros, un Homme, un Numénoréen "Noir" capturé lors de la débâcle. Le siège de Cair Andros s’est soldé par un doux désastre pour leur camp. Deux mille Hommes supplémentaires se sont détachés pour venir se joindre aux deux armées qui les acculent déjà sur leurs collines.
« Par les couilles du Seigneur des Ténèbres… Accueillent Yetch, sa bande, et à peu près tout le monde, tandis que tourne la nouvelle…
— On en est à combien ? Relève Fichig. Un peu moins de quatre-mille bon Orques dont des centaines de blessés inaptes au combat, encerclés par sept mille Hommes ? C’est complètement absurde.
— Et donc, c’est quoi la mauvaise nouvelle ? Glousse Dartak en feintant la légèreté…
Krimp, le messager pouilleux envoyé à Minas Morgul pour demander des renforts est de retour avec la réponse de Morgul. Minas Morgul leur adresse un gros doigt d’honneur, du haut de ses plus hauts niveaux.
Bien sûr, avec toutes les formulations diplomatiques et de politesse en vigueur.
« Crevez, avec nos salutations distinguées. »
« Cordialement.  Vos "Alliés". Vos "Compatriotes". »
« Ils disent ne pas avoir les moyens effectifs de lever une armée susceptible de nous venir en aide. » Résume Krimp, leur donnant la réponse littérale.
Dans la troupe les gars essaient de prendre ça à la dérision, mais les nouveaux cors qui s'élèvent annonçant l'imminence d'une nouvelle attaque en force ennemie font s'alourdir les respirations des jeunes Orques comme Ryark ou Virag. Ils commencent à murmurer pour eux-mêmes, nerveux. Borcip et le Sergent Murgleeth, les deux Uruk-Haï de la bande, leur posent des mains encourageantes sur les épaules…
« Et du coup, on fait quoi ? Demande Dartak. On se prépare à mourir "avec honneur" ? Dés qu’on arrive à court de bouffe –prisonniers inclus-, on fait une sortie et on en emporte le plus possible avant d’y passer ?
— Vous faites comme d’habitude, intervient le Capitaine Kassad en s’immisçant dans le cercle de Yetch. Furtif quand il veut le Capitaine, on n’entend pas son pas d’Uruk, même en armure : vous vous souvenez de ce qu’on vous a appris, vous gardez votre sang-froid et vos habitudes : travaux, garde, ragots en tout genre pour vous changer les idées… Et vous faites confiance à vos chefs bien-aimés qui sont en train de se casser la tête pour vous pondre un plan d’échappatoire. Et continuez de mêler les conscrits à la vie de la section, je sais combien ça peut être disgracieux pour des Légionnaires de communier avec les snagas, mais là, la dernière chose dont on a besoin, c’est d’une mutinerie de la chair à pique…
— C’est pas si disgracieux que ça quand on fait leur connaissance, se permet Borcip.
— Ils font preuve d’une certaine efficacité dont on pourrait avoir usage, reconnaît Murgleeth.
— Et puis adopter des snagas au nez et à la barbe du Bras Disciplinaire au sein des Légions, ça semble à la mode ces jours-ci… » Emet Yetch, en tournant l’attention du groupe vers le p’tit gars à l’arbalète qui colle Thurgix à la tranchée…
Là, contre les palissades, le récemment promu Lieutenant de Choc est en train de faire l’éducation de l’enfant Orque, lui montrant comment empoigner comme un vrai soldat son épée de gondorien…
« Oh, d’accord, constate Kassad. Dans ce cas, côtoyez-les. Et dîtes-leur bien qu’avec leur caste de snaga à vie, il y a toujours des exceptions qui confirment la règle…»

***

Entouré de ses aides du Bras Disciplinaires en livrées noires, Ruayyh se pointe quelques instants plus tard sur Tiny. Un drapeau blanc de pourparler brandi au-dessus de lui et cinq des fantassins ennemis prisonniers à ses côtés menés par ses aides de camp, il vient appeler le Commandant Gotmery et requière une entrevue.

« Je sors, décrète Ruayyh. Yetch tique et Raqsh et d’autres des fantassins tentent de protester…
— Vous allez vous faire…
— Inviter à prendre une coupe de bon vin gondorien, sans doute. Il est temps de récolter les fruits d’années de gestes de respect, en dépit de notre antagonisme mortel. S’il leur venait l’idée stupide de me tuer, exécutez les prisonniers, menez-les aux tranchées et faites-les hurler de douleur un par un, que l’armée ennemie entende tout. Ragga vous donnera vos instructions pour ce soir. Il vous ramènera jusqu’en Dagorlad… »



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Message par Karess Mer 26 Juin - 5:26

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Nuit 4 : Percée


Nuit noire teintée d’une fine pluie. Sous leurs toiles de tente, les trois-mille Orques valides de l’armée vérifient dans un silence pesant et rituel leur équipement frotté de charbon, leurs lames noircies. Leurs faciès peints de noir et d’autres couleurs sombres. Seuls sont clamées les instructions des officiers et des Maîtres de Discipline, des ordres de pure formalité d’avant-guerre.
Des outres d’eau (et parfois pas que d’eau) tournent entre les soldats des compagnies rassemblées, s’apprêtant à sortir en force. Deux bataillons, le 4ème bataillon régulier de la 18ème sous les ordres du Commandant Elliort, et les Huscarls de Ragga, vont avancer en encadrant fermement le convoi de blessés, ainsi que les prisonniers qui seront menés par le carré d’Uruk-Haï du Bras Disciplinaire qui les ceinture depuis les premières heures.
Après un plein soleil et demi ainsi qu’une nuit froide complète à camper aux pieds du retranchement Orque, les Hommes se sont lassés au crépuscule et sont retournés à leur camp.
Du moins, hors de vue des assiégés.
Précédant le convoi de blessés, tout le reste de l’armée, près de deux-mille cinq-cents Orques et Trolls, descendra aussi discrètement que possible les collines "Carmârôth", plein est, et "Poète", au sud-est, et mèneront la contre-attaque contre l’étau de l’Ennemi.

L’ultime charge pour la gloire ?
Ragga n’en a pas parlé en ces termes. Mais eh ! Dans le pire des cas, ce serait toujours plus couillu, plus "Orque", que de crever de faim acculés dans leur bourbier, pas vrai ?

***

Bizarrement, les Maîtres de Discipline "oublièrent" cinquante des prisonniers ennemis dans la nuit, au moment de quitter la position. Quelques-uns de ces hommes ne perdirent pas de temps à se demander quelle mouche avait piqué leurs geôliers et prirent aussitôt la fuite.
Les autres… Ils en vinrent à venir d’eux-mêmes se manifester auprès de leurs gardiens, qui leur sifflèrent et leur grognèrent de dégager avant qu’ils ne changent d’avis. Par solidarité envers leurs camarades, certains encore refusèrent de partir, voulant demeurer prisonnier. Les Orques du Bras Disciplinaire les chassèrent sans ménagement, mais sans porter atteinte à une seule de leurs vies ni à leur intégrité physique, pas même les Rangers à qui d’ordinaire ils coupaient les doigts...

***

Ils sont comme une procession de minuit. Armée de silhouettes nécrophages abstraites et noires découlant lentement sur les collines, parmi les ombres de la nuit. Ils tentent de se mouvoir sans piétiner bruyamment la dense végétation, qui bruisse sous le balai venteux. Pas un mot. Pas un son de cor ni de tambour. Les bannières gardées basses et repliées. Menant sa section, sa bande de vétérans et avec eux les conscrits qui les ont épaulés sur Tiny, Yetch fait office d’éclaireur pour l’armée sur Poète.
« Z’avez l’air si calme et sûr de vous, Lieut’nant, admirent ouvertement les jumeaux Gobelins.
— C’est pour ça que c’est moi le Lieutenant, leur retourne Yetch à voix basse. Parce que je suis calme et sûr de moi en toutes circonstances. Silence maintenant. »
En vérité, la pression dans sa poitrine est monstrueuse. Le vieux Lieutenant fait passer à répétition sa langue sèche sur ses lèvres dans l’espoir de les hydrater.
Quand ils seront repérés dans leur sortie, lui et ses gars seront les premiers à se retrouver au contact de la mort. Il devra être réactif et charger sans se poser de questions. Juste derrière lui, lui emboîtant le pas avec les Uruk-Haï de la Compagnie sur le qui-vive, Kassad sera prévenu et déboulera avec ses gars en soutien avisé, et Yetch et sa chair à piques auront rempli leur part en temps qu’unité "écran".
Pourtant, descendre au bas de la colline Poète ne suscite aucun cri d’alerte de sentinelle ennemie qui les repèrerait dans leur sortie en force. Aucune volée de projectiles de quelque contingent de rangers embusqués ne vient les meurtrir.
Halte à l’orée du bois...
Yetch donne ses instructions à ses soldats par vifs et concis signes des mains. Les informations à son Capitaine, qui opine...
Il élance le bras...
Parfaite cohésion d’unité autour de lui. Avec ses gars recourbés, il s’engage en courant sur le terrain plat. Herbeux et Terreux. Les végétations bruissent de leurs piétinements et affleurements.
Traverser cette clairière qui les sépare des positions de l’armée ennemie. Celle des salopards qui leur a interdit le retour au foyer. Comme tous ses gars, Yetch serre les crocs. Anticipe une pluie de flèches, qui ne tombe pas. Ils traversent et entament l’ascension des positions ennemies. Au-devant d’eux, une chevauchée. Ses gars regroupés parmi le flanc broussailleux des lieux lui montrent un campement mineur à l’abandon. Ils voient une poignée de rangers ennemis, qui s’éclipsent à cheval en cavalant, sans paniquer ni s’écrier.
« Ils nous ont vu, grince Raqsh. C’est O-Bli-Gé qu’ils nous ont vus ! »
Dans le lointain sur leur nord, les cors s’élèvent. Échos d’un roulement de piétinements et aboiements d’ordres d’officiers qui se répercutent. Le gros de l’armée Orque descendu en force sur Carmârôth lance l’assaut vers les positions ennemies.
« Aller les gars ! On avance ! Appelle Yetch, secouant ses gars pour les faire continuer à progresser. Les troupiers avancent sans comprendre, encore coi. Progressent jusqu’au camp, agglutinement de quelques tentes et installations en bois risibles que Yetch leur fait brûler. Ils observent l’ascension du terrain au nord, l’orée du camp ennemi sans comprendre. De là où ils se trouvent, ils ont un aperçu sur les silhouettes de soldats en armures sur leurs chevaux qui font tourner bride à leurs montures, qui les lancent au galop pour s’éclipser et leur abandonner leur position librement.
« Pourquoi ils se battent pas ? » Demande Dartak pour tout le monde.
« Pourquoi ils nous ont pas empêché de sortir ? » Renchérit Virag…
« Continuez d’avancer les gars ! Les enjoint Kassad en faisant passer ses Uruk-Haï devant eux, les menant l’épée haut. On a une manœuvre à pousser ! Comme à l’entraînement ! » Chauffe-t-il la Compagnie, lançant la section d’Uruk-Haï à l’assaut du camp ennemi abandonné de ses occupants… Les conscrits snagas s’élancent à leur suite. Les jumeaux Gobelinoïdes se bousculant mutuellement pour être les premiers à crâmer des tentes…
« C’est ça. Comme à l’entraînement… » Reprend Virag sans enthousiasme…

Remontant de flanc le camp vide assailli frontalement par la force armée au complet, ils prennent d’assaut des sections de palissades abandonnées, saccagent et brûlent férocement des rangées de tentes vides. Envahissent le camp désert.
Ils accèdent librement à un garde-manger généreusement garni de ce qu’il leur faut pour le voyage de retour, dévalisant le tout.
De ces deux-mille et quelques Hommes qui s’étaient établis ici pour les encercler, aucune trace. A en juger par les rangs en surnombre de l’armée ennemie qui apparait en ordre rangé sur Carmârôth et Soeurette, ainsi que sur l’autre colline plus au nord et sur les flancs de la position qu’ils viennent de quitter, ces deux-mille et quelques Hommes ont été pris d’une envie de rompre l’étau pour partir se regrouper avec leurs cinq mille camarades…
La bonne nouvelle, dans cette histoire, c’est que l’étau et rompu. Ils ont un couloir de repli. Regroupée, l’armée Orque ne se fait pas prier par l’avancée au pas cadencé des Hommes dans le lointain pour tailler la route à travers les bois.



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Message par Karess Mer 26 Juin - 5:35

Les jours qui suivent : La Honte





Deux-trois jours de marche sous tension, talonnés par l’armée ennemie qui les suit à un quart d’horizon, sans passer à l’attaque qui les anéantirait.
Le premier soir, alors qu’ils continuaient à marcher sans pause comme les Orques savent si bien le faire sur plusieurs jours et nuits, un cavalier ennemi dépêché en émissaire demande à parler à Ragga, à la surprise des soldats de Yetch qui occupent maintenant l’arrière…
« C’est une blague ! Entendent-ils Ragga pester en s’écriant dans son échange avec le messager. Vous êtes trop fainéants ou simplement trop gras au Gondor ? Vous n’êtes pas capables de suivre le rythme sur deux pauvres jours et deux pauvres nuits de marche ? Nos enfants font ça en courant sur trois ! »
Quelques instants plus tard, quand le cavalier repart, le Général revient aigri vers le Bras Disciplinaire, dispensant de nouvelles instructions qu’ils font appliquer.

Les marches "forcées" pour quitter l’Ithilien n’ont lieu plus que de jour. Le ciel se couvre de nuages, se riant du manque d’endurance des Hommes du Gondor…
Ou peut-être ne faisait-il que se préparer à pisser de tout son cru sur les Orques…
Quel état d’humeur pour les Orques dans l’armée ? A part un état morose, sentiment de compromettre toutes leurs allégeances, tout ce en quoi ils croient… Les blessés trop souffrants pour avoir conscience de la blague qu’est leur situation, comme Yazho et Yourch que Yetch continue de visiter quand il est relevé sur les arrières, sont peut-être les plus chanceux en cette marche de retour. Au moins, ils n’endurent pas cette espèce de… Blague.
« On s’est rendus, hein Chef ? Demande un soir le jeune Ryark directement au Maître de Discipline anonyme qui côtoie le Capitaine Kassad pendant que celui-ci  mange avec eux. Ils nous escortent jusqu’à chez nous pour s’assurer qu’on fait pas de vague, comme… De la racaille… » Lâche-t-il en raclant la terre de ses pieds bottés.
La réflexion exposée du jeune soldat accentue le profond froid sur le moral de toute la section rassemblée qui mangeait en silence. Yetch et les plus vieux guettent la réaction du Maître de Discipline, estomaqué de voir un troufion du rang lui manifester avec autant de sérénité résignée tout son abattement…
« On a cent de leurs gars en otages, énonce Kassad en venant à son secours. C’est parce qu’on a ce moyen de pression et que le sens de l’honneur de notre légion est reconnu même de nos ennemis, qu’on est encore en vie…
Kassad lui-même est estomaqué quand c’est au tour du Maître de Discipline de briser l’anonymat en exposant ouvertement ses réserves :
— Vous n’avez pas à porter ce poids, soldats. Cette guerre a été minée par l’incompétence traîtresse de la Tour, par la trahison pure de Minas Morgul qui n’a envoyé aucun renfort… Il nous en coûte à tous de faire ces concessions sur notre honneur martial, mais les vrais responsables, ceux qui sont à blâmer, ce sont les Traîtres de l’intérieur.
— Bien dit, l’ami. Approuve Quguug. Gravez-vous le bien dans la tête les p’tits gars. Le Bras Disciplinaire a été bête et discipliné et a appliqué les ordres de l’incompétent désigné comme Général en chef aveuglément, en partant du principe qu’on vise tous autant le même but. Le Crépuscule des Hommes… Mais tout ça, c’est fini. C’est fini, cette vaste blague… On va faire passer le mot entre légions, et le Bras Disciplinaire va tenir tête aux corrompus et aux ordres stupides maintenant. Chaque fois qu’ils désigneront un scribouillard stupide en guise de général en chef, qu’ils donneront des ordres que nous on aime pas, on se chargera de les mettre en charpie, jusqu’à ce qu’ils comprennent que dans ce putain de pays, le seul Général Suprême des Armées, c’est celui que Nous les Orques des Légions, nous reconnaissons comme tel… »
La haine et le ressentiment imprègnent la tirade à l’élocution désastreuse du Colosse de cendres aux lèvres amputées.
Pourtant, sous cette haine et dans ses yeux de glace embués, Yetch perçoit de la honte…  
« Yourch… Yazho… Bon nombre de nos blessés vont pouvoir être correctement traités une fois rentrés au pays.  Faut prendre ça comme une victoire. » Encourage-t-il les siens...

***

Ils arrivèrent finalement à la lisière de l’Ithilien. La frontière naturelle entre la région boisée anciennement du Gondor, et celle de vastes étendues désolées de Dagorlad, le "jardin" devant l’entrée du Mordor…
Là, tandis que leurs blessés continuaient d’être convoyés pour être rapatriés le plus rapidement possible, le reste de l’armée Orque se déploya en lignes rangées, faisant face une dernière fois à l’armée ennemie qui faisait de même. L’armée ennemie qui pouvait tellement les écraser trois fois en terrain dégagé…
Le Bras Disciplinaire s’avança, présentant ses otages, en vie et entier.
Des lignes ennemies, Ruayyh émergea à dos de cheval, en vie et entier lui aussi.

Chacun des deux camps mena son otage, ses captifs en terrain neutre, procédant à l’échange dans le silence. Les prisonniers misérables partirent de leurs pas de mort-vivants vers les lignes de leurs compatriotes.
C’était le moment pour tous les Orques de retenir leur souffle. Tout ce qu’ils avaient, au fond, c’était quoi ? La parole d’honneur de leurs ennemis jurés, ennemis héréditaires de leur peuple et de leur engeance, chacun s’étant juré de provoquer la fin du monde de "l’Ennemi" ?

Les Hommes du Gondor, leurs ennemis jurés, furent fidèle à leur parole d’honneur ce jour-là.
Un autre peuple d’obscurantistes comme le Rohan n’aurait même pas pris la peine de parlementer avec eux, fléchant leurs demandes de pourparler à vue sur la Position et sacrifiant un millier d’Hommes pour emporter plusieurs fois ce nombre en Orques...
Malgré le profond goût de honte et la soif de revanche qui en découlent chez Ruayyh et sa Légion suite à cet étrange accord de paix, ils ont un réel respect pour les Hommes du Gondor.

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